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Le camp d’internés 1914-1919
Le camp d’internés 1914-1919

Dieser Internet-Auftritt verfolgt das Ziel, möglichst viele Informationen über das Internierungslager auf der Ile Longue zusammenzustellen, damit Historiker und Nachkommen der Internierten sich ein Bild von den Realitäten dieses bisher wenig bekannten Lagers machen können - nicht zuletzt auch, um die bedeutenden kulturellen Leistungen der Lagerinsassen zu würdigen.

Le but de ce site est de prendre contact avec les familles des prisonniers allemands, autrichiens, hongrois, ottomans, alsaciens-lorrains... qui ont été internés, pendant la Première Guerre mondiale, dans le camp de l’Ile Longue (Finistère).

Une loge maçonnique à l’Ile Longue
Article mis en ligne le 30 décembre 2012
dernière modification le 14 décembre 2014

par Christophe

L’acte de fondation de la loge « In Ketten zum Licht » (« Des chaînes à la Lumière »), établi le 28 janvier 1918 à l’Ile Longue et dont une copie est en notre possession, prouve de façon incontestable l’existence d’une loge de camp à l’Ile Longue.

La copie de l’acte de fondation nous a été confiée par le Vénérable Maître en chaire de la Loge « Zu den Romeriken Bergen » de Remscheid (Allemagne), loge mère du prisonnier franc-maçon Johannes Mättig.

Gründungsurkunde der Feldloge « In Ketten zum Licht » /
L’acte de fondation de la loge « In Ketten zum Licht »

Pour ce qui est des informations détaillées sur la création et la vie de la loge, nous devons, malheureusement, nous fier à l’ouvrage « Volksverrat der Feldlogen im Weltkrieg » (« Haute trahison du peuple par les loges de camp pendant la guerre mondiale ») de Friedrich Hasselbacher, une haineuse publication national-socialiste avec le seul objectif de calomnier et de détruire la Franc-Maçonnerie allemande.

Il faut cependant reconnaître que c’est grâce à Hasselbacher que nous disposons du texte de la précieuse brochure „Die Feldloge ‚In Ketten zum Licht’ und andere freimaurerische Erinnerungen aus der Kriegsgefangenschaft" (« La loge de camp ’Des chaînes à la Lumière’ et autres souvenirs maçonniques de captivité »), écrits par le prisonnier franc-maçon Titus Taeschner, une brochure manuscrite « à destination exclusive des frères maçons ».

D’après Hasselbacher, la loge « Des chaînes à la Lumière » était la seule loge de camp de la première guerre mondiale, à l’exception de deux loges de prisonniers anglais au Pays Bas.

Les souvenirs de Titus Taeschner ne semblent pas avoir subi de modifications malveillantes de la part de Hasselbacher. Voici la traduction de quelques extraits qui nous éclairent sur la création et le fonctionnement de cette loge.

« C’est donc dans une telle cellule (Hasselbacher précise : pas de cellules de prison, mais des compartiments aménagés dans les grandes baraques par les prisonniers) que nous nous rencontrions en petit cercle, dans des conditions peu confortables pour 8 hommes. Mais nous étions entre nous et nous nous aidions, bien sûr. Tout un chacun devait apporter son propre pot de café ou sa tasse, s’il en possédait une, ainsi que son tabac. Le café était payé par la caisse du cercle. C’était rudimentaire, mais agréable (« gemütlich »), et l’ambiance était animée lors de ces réunions. Parfois cependant, quand il était question de sujets maçonniques confidentiels, les discussions à haute voix se transformaient en chuchotements à cause des profanes séparés seulement par une paroi en papier.

Là, on discutait aussi le projet de transformer notre petit cercle de café en une véritable loge où il serait possible de présenter des planches maçonniques. Le « pour » et le « contre » étaient sujets de vives discussions. Il y avait de nombreuses difficultés qui s’y opposaient, et pourtant finalement la décision a été prise de réaliser cette idée. Bientôt, quatre autres frères que le hasard nous a fait trouver, se joignirent à nous.

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Qui d’entre nous a travaillé dans une usine de pianofortes ?
Contact par écrit Italiener/18

Suivant ma suggestion, nous avions fait passer dans le journal de camp à parution hebdomadaire, une petite notice compréhensible uniquement par les francs-maçons (voir article « Karl Italiener »).

Après cela, deux frères se firent reconnaître : le turc Nafiz Schefik Kori Bey, commissaire de police de Smyrne, élève de la première classe de l’université populaire que j’avais fondée et le docteur en médecine Othman Holzmann, médecin personnel du Sultan du Maroc, qui enseignait le turc et l’arabe à cette même école et dont je fus l’élève. Le premier appartenait à la Loge « Meschrutyet » à l’Orient de Damas, Grande Loge de Turquie, le second à la loge « Coronation » de Tanger, à laquelle appartenait aussi le frère Weiß qui faisait déjà partie des nôtres. Un peu plus tard, à la suite de l’arrivée de prisonniers d’autres camps, vint encore le Hongrois, docteur en droit, Manheim de la loge « Cosmos n° 288 » à l’Orient de Paris, et, en dernier, le commerçant B. Schmidt, de la « Lodge The Widow’s Son VII », à l’Orient de « Cap Mount », Libéria. Maintenant, nous étions douze Frères et notre joie de cet accroissement était grande.
Le plus grand problème était de trouver une salle susceptible de servir de temple. Mais cette question aussi trouva une solution satisfaisante. Des éléments de parois démontables servirent à délimiter un espace de 5,5 m de large et 3,5 m de haut, que nous pouvions rapidement mettre en place dans la cuisine de la baraque de musique qui était à notre disposition. Le démontage se faisait aussi rapidement. Dans un grenier suspendu dans la même pièce, les différents éléments de parois et d’autres ustensiles, petite table, colonnes et chandeliers pouvaient être stockés rapidement et sûrement.
Après la confection de nos décors maçonniques, par un tailleur turc pour une part et un tailleur hongrois pour l’autre, après que les insignes en laiton des officiers eurent été taillés, les bijoux fondus à partir de pièces de 5 francs français et tous les officiers élus, nous pûmes enfin fixer au 28 janvier 1918 le jour de fondation de notre Loge. »
« Quand ce jour arriva, tous les préparatifs pour un déroulement digne de la fête avaient été effectués. A 4 h 30 tous les frères étaient rassemblés sur les Parvis. Après un bref discours, l’ensemble des Frères francs-maçons procéda à l’acte de fondation de la Loge. Alors je demandai aux frères de se revêtir de leurs décors maçonniques, avant que le Frère détenteur du grade le plus élevé, le Frère Lederer de la Grande Loge américaine de Philadelphie, Pennsylvanie, ne se rende auprès de l’autel dans la pièce désignée comme temple pour y attendre l’entrée des Frères et y procéder à l’allumage des Feux. »


« Cet événement plein de mystère nous tenait sous son charme. Et lorsque le Frère Lederer eut prononcé ces paroles : ‘En vertu des pouvoirs qui me sont conférés en tant que Frère-Maçon du 32ème degré du Suprême Conseil, Juridiction Nord, des Etats-Unis d’Amérique, je consacre ce lieu profane, je le dédicace en Temple maçonnique et lui apporte la Lumière’, et que cette dernière se mit à rayonner tel un météore, plongeant le temple dans une radieuse clarté, chacun de nous fut profondément ému. »
“A cause de la grande proximité d’avec le monde profane extérieur qui nous collait à la peau et aussi à cause de la situation précaire qui était la nôtre, à notre très vif regret, nous ne pûmes que fredonner à voix basse l’hymne de fermeture des travaux, le « Schluss-Kettenlied ».
D’excellente humeur et profondément heureux, nous quittâmes le Temple pour effectuer, très rapidement, tous les préparatifs pour les agapes qui suivirent. A cet effet, il était cependant nécessaire de démonter le Temple et de l’emballer. Comme tout le monde aidait, ce travail fut accompli en un tour de main. Des ordonnances disposèrent les tables, des draps blancs y furent déployés en guise de nappes et la table fut décorée de buissons de genêts en fleurs. De la vaisselle fut apportée et le repas, préparé par un cuisinier allemand, fut servi.
Ah ! Quelles délices ! De la salade italienne en entrée, de la soupe princesse, du filet de bœuf avec des asperges. De la compote et des mets sucrés suivaient. En effet, on pouvait tout avoir sur l’Ile Longue, bien que, même à cette époque, à des prix salés. Le repas coûtait environ 30 Frs. à chacun d’entre nous. Le vin ne manquait pas non plus, et bientôt régnait l’ambiance la plus animée qui subit cependant un refroidissement brutal avec le signal d’appel de 8 heures.
Mais après l’appel, nous nous retrouvâmes et, en appliquant certaines mesures de précaution, nous restâmes ensemble jusqu’à environ minuit. »
Voici la liste des douze prisonniers-francs-maçons de la loge de camp « Des chaînes à la Lumière », selon Titus Taeschner :

Loge mère Grande Loge

Beck, Otto - « Aurora », Buenos Aires Grand Orient d’Argentine
Holzmann, Othman - „Coronation Nr. 934", Tanger Grande Loge d’Ecosse
Italiener, Karl, „Germania zur Einigkeit", Berlin Grande Loge de Hambourg
Kreuziger,Gutav - „Teutonia zur Weisheit", Potsdam Grande Loge Nationale “Zu den 3 Weltkugeln”
Lederer, Oscar Heinrich - „Philadelphia Konsistory" Grande Loge de Pennsylvanie
Manheim, Louis - „Cosmos Nr. 288", Paris Grande Loge de France
Maser, Carl Heinrich - „Josef zur Einigkeit", Nürnberg Große Mutterloge des Eklektischen. Freimaurerbundes in Frankfurt a. M
Mättig, Johannes - „Zu den Romeriken Bergen", Remscheid Grande Loge Nationale d’Allemagne
Nafiz, Schefik -„Meschrutyet", Damas Grand Orient de Turquie
Schmidt, Bernhard - „The Widows Son VII", Kap Mount, Grande Loge de Liberia
Taeschner, Titus - „Bruderbund am Fichtenberg", Berlin-Steglitz Grande Loge Nationale “Zu den 3 Weltkugeln”
Weiß, Ludwig - „Coronation Nr. 934", Tanger Grande Loge d’Ecosse

Selon une lettre du 26 janvier 1921 que le Frère franc-maçon Johannes Mättig écrivit au Grand Maître de la Grande Loge Nationale d’Allemagne, la Loge de camp « Des chaînes à la Lumière » n’avait pu faire aucune demande d’appartenance à une Grande Loge, de peur que la correspondance nécessaire à cet effet ne tombât entre les mains de la censure française.

Dans cette même lettre, Johannes Mättig fait un bref compte rendu de la dissolution de la loge :
« Au milieu de 1918, quand circulèrent fréquemment les rumeurs concernant la fermeture du camp et de notre rapatriement, c’est le 24 juin 1918, le jour de la Saint Jean d’été, que nous avons suspendu nos travaux. Si mes souvenirs sont bons, 4 tenues ont eu lieu dans le Temple, et 2 planches y ont été présentées.
A ma connaissance, tous les documents ont été brûlés par le Frère Karl Italiener pour éviter que, lors d’un contrôle des bagages, ils ne soient trouvés par les Français. »

A la fin de sa lettre, Johannes Mättig demande au Grand Maître l’autorisation de continuer à porter, lors des tenues de Temple de sa loge-mère de Remscheid, les « bijoux » (insignes portés par les officiers d’une loge maçonnique) de cette Loge de camp. Autorisation qui lui fut accordée.