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Le camp d’internés 1914-1919
Le camp d’internés 1914-1919

Dieser Internet-Auftritt verfolgt das Ziel, möglichst viele Informationen über das Internierungslager auf der Ile Longue zusammenzustellen, damit Historiker und Nachkommen der Internierten sich ein Bild von den Realitäten dieses bisher wenig bekannten Lagers machen können - nicht zuletzt auch, um die bedeutenden kulturellen Leistungen der Lagerinsassen zu würdigen.

Le but de ce site est de prendre contact avec les familles des prisonniers allemands, autrichiens, hongrois, ottomans, alsaciens-lorrains... qui ont été internés, pendant la Première Guerre mondiale, dans le camp de l’Ile Longue (Finistère).

Kamina et le sort des prisonniers du Togo, par Carl W. H. Doetsch
Article mis en ligne le 19 mars 2013
dernière modification le 10 janvier 2016

par Annie, Christophe

Kamina et le sort des prisonniers du Togo
traduit par Annie et Christophe

Après les négociations officielles de capitulation, les Français et les Anglais étaient venus par trois côtés dans la grande station de Kamina que nous avions réussi à détruire à temps.

Les vainqueurs examinent leur prise. Je passe en revue le terrain de la station avec le Major Gosling, expert en radio pour la colonie anglaise. Les tours élancées de la station jonchent le sol comme des baleines de parapluie tordues. On trébuche partout sur les câbles d’acier et de bronze des antennes que nous apercevions avec fierté et plaisir il y a encore quelques jours. Trois extincteurs tordus s’offrent à notre vue dans la chaufferie - le résultat de trois charges d’explosifs. Les armatures de la chaudière pendent en l’air comme si elles étaient inutiles. Les colonnes de commande des turbines dans la salle des machines ressemblent à deux bras tendus de blessés graves couchés à terre et demandant grâce. Nous sommes affligés à la vue des tableaux de commande et des instruments de mesure détruits. Là, sur le sol, gisent les appareils de transmission télégraphique brulés, les interrupteurs, les lampes tordues, les câbles déchirés, et là deux transformateurs entièrement brulés sourient tristement. Le pupitre de commande, notre fierté, le cerveau de la station, le « Sabbibox », comme les Noirs la nommait, provoque chez mon accompagnateur un mouvement de tête réprobateur et un soupir : « that’s pity, pity ».

Kamina - la salle de commande de la station de télécommunication après sa destruction

Son cœur de technicien est brisé devant ce gâchis, mes larmes sont séchées depuis longtemps.- Partout, dehors, la même image lamentable de la destruction. Nous effrayons un Noir qui volait du cuivre : vite, il disparaît derrière la grande installation de refroidissement de la cheminée qui gît là, maintenant, froide et passive, ressemblant à un immense point d’exclamation puissamment dressé devant cette entière œuvre de destruction.

Il n’est même plus question de reconstruire quoique ce soit, ici ! Et par dessus ce tableau, l’éclat du soleil africain de midi vibre, narquois, et les tristes vestiges de notre station seront bientôt ensevelis sous la végétation tropicale.

A partir de maintenant, tous les Blancs à l’exception des « patrons » qui étaient restés à la côte à la remise de Lomé aux Anglais, sont prisonniers de guerre.

Sous l’ardeur du soleil, nous marchons péniblement tous ensemble avec nos bagages, vers Atakpamé, où nous serons hébergés dans des bâtiments d’usine allemands. La plupart des bagages devra rester sur place et beaucoup seront perdus en chemin. Le lendemain matin, le 28 août 1914, l’ordre est : « à la côte ! » Nous nous rassemblons à la gare d’Atakpamé, nous sommes assis sur nos malles, caisses et valises étalées autour de nous. Les Anglais effectuent encore une cérémonie importante dans la gare ; chaque homme et aussi les dames, doivent signer une déclaration sur l’honneur certifiant que pendant la durée de cette guerre ils ne combattront pas contre les Anglais ou leurs alliés.

Le train se met en marche ; les Anglais avaient prévu suffisamment de cheminots venant de la Côte de l’Or. Nous nous arrêtons l’après-midi devant le premier pont dynamité. On essaie d’organiser de quoi manger le mieux possible, et on passe la nuit dans les wagons. Une marche brève sur la voie ferrée s’ensuit le lendemain matin. Nous passons encore un fleuve dont le pont a sauté et nous montons dans un train qui attendait là pour nous acheminer à Lomé, car entre- temps les Anglais avaient réparé les ponts qui avaient été détruits. Nous arrivons vers midi sur la jetée de Lomé. Elle est encore complètement intacte ; nos grues pivotent et nous sommes embarqués sur des navires de débarquement.

Grâce aux coups de rame énergiques des pagayeurs noirs Ewe nous nous retrouvons rapidement devant le bateau à vapeur « Obuasi », de la ligne « Elder-Dempster » de Liverpool. Nous serons partagés en groupes : les dames, les officiers et personnalités en 1ère classe, les sous-officiers et soldats en 2ème classe.

Le capitaine est énergique, il sait ce qu’il veut. Il ne veut pas que les tirailleurs nigériens fassent la surveillance à bord. Il a déjà souvent transporté des prisonniers de guerre ; pendant la guerre des Boers, pendant que les Russes se battaient avec les Japonais, et plus tard, pendant que les Américains liquidaient les Espagnols. Maintenant c’est notre tour et qui sera le prochain ?

Nous sommes tout le temps ancrés devant Lomé, pratiquement coupés du reste du monde. Nous avons entendu dire que, quelque part en France, notre avance semble avoir été stoppée. La vie à bord est aussi monotone que la nourriture : côtelettes de mouton, harengs saurs, porridge et vice-versa. Le capitaine discute de politique de temps en temps avec nous. Il ne doute pas le moins du monde que nous allons perdre la guerre « car » dit-il : « We don’t wait to fight, but by jingo, if we do, we’ve got the men, we’ve got the ships, we’ve got the money too ! »

Nous sommes satisfaits d’être sous l’autorité anglaise pour des raisons que la plus part d’entre nous devinent instinctivement. Cela allait changer le jour où le commandant de la base de Lomé est apparu avec un capitaine français. Suite à un appel on nous remet entre les « mains » des Français. Car entre-temps à Londres, la France et l’Angleterre avait conclu un accord colonial sur la colonie du Togo vaincue, et dont il découlait que Kamina serait administrée à l’avenir par la France. Nous tombions également sous cet accord. Nos dames peuvent retourner dans leur patrie si elles le souhaitent, cependant sans que les Anglais ne garantissent leur arrivée en Allemagne. Elles décident donc de suivre leurs maris au Dahomey, là où les Français veulent nous amener.

Le 28 septembre nous partons pour Cotonou la capitale du Dahomey français. A notre arrivée la plage et la jetée fourmillent de Français, gagnants et gagnantes, aux toilettes légères et ombrelles de couleur. Ils attendent leur plaisir des yeux.

Mais notre capitaine anglais signale à terre qu’il ne débarquerait les prisonniers que le lendemain matin. « A 5 heures du matin les Françaises ne sont pas encore sorties du lit » dit-il amusé. Nous sommes reconnaissants qu’il nous épargne ce calvaire et aussi qu’il nous laisse passer la dernière nuit civilisée dans un lit - la dernière avant plus de cinq années d’internement qui allaient suivre. Nous nous trouvions devant les portes secrètes d’un pays qui allait nous héberger assez longtemps et qui possèdera, pour l’avenir, la triste réputation que là de pauvres prisonniers de guerre sans défense sont tourmentés, maltraités et humiliés de telle façon que cela restera unique dans les annales de l’histoire. La France commençait – la civilisation était derrière nous !

Nous sommes cantonnés dans des huttes faites de palmiers, on nous apporte dans la journée à manger à la « mode indigène ». A partir de maintenant plus rien ne pouvait nous étonner. La France commençait là vraiment.

Chacun reçoit une natte de Nègre,- notre future lit tant que nous serions au Dahomey- une assiette, une cuillère ; d’autres reçoivent une gamelle, comme équipements pour la marche à la frontière extrême nord de la colonie du Dahomey, à la lisière du Sahara, à plus de 800 km de la côte !

Le major français Maroix nous fait savoir que nous allions être transportés à Gaya - un petit poste militaire, tout près du Niger, situé dans le territoire militaire du Niger. Au Dahomey, il y a 260 km de voie ferrée jusqu’à Savé ; de là jusqu’à Gaya nous devrons marcher. Les prisonniers mariés avec les femmes pouvaient rester sur la côte.

Nous avons pensé au début qu’il s’agissait d’une mauvaise plaisanterie mais nous sommes acheminés - quelques 170 prisonniers, officiers, sous-officiers et soldats - jusqu’à Savé où nous arrivons le soir et où nous sommes cantonnés dans des entrepôts et dans la gare toute proche. Notre calvaire doit débuter dans quelques jours. Nos médecins protestent auprès du médecin français affecté à ce transport, font une pétition qui pouvait être justifiée 10 fois, appellent à la magnanimité et l’humanité française en se référant à notre état de santé général, à notre équipement insuffisant et à l’impossibilité d’effectuer une telle marche sans couvertures, en partie sans filets anti-moustique et, pour la plupart, en chaussures inadaptées. Des efforts pour rien ! Tous doivent être acheminés à Gaya. Une dernière remarque sur les malades, les faibles et les vieillards : le médecin français se met silencieusement à les examiner avec le résultat que tout un chacun doit monter vers le Niger.

Les officiers sont autorisés à prendre 30 kg de bagages, les sous-officiers et leurs soldats 15 kg. Les bagages doivent être transportés par des porteurs noirs ou par les véhicules de l’escorte française.

Le premier transport démarre le 23 septembre 1914 et le deuxième, dont je fais partie, le 25. Le chemin suit une route récemment ouverte qui commence à Save et se termine au Niger. On marche de nuit à la manière des troupes coloniales françaises, c’est à dire 50 minutes de marche, 10 minutes de repos. La distance entre chaque étape est de 20 à 30 km.
Les nuits sont très obscures à cette époque de l’année. Une lanterne pendant au fusil d’un tirailleur sénégalais qui marche en avant avec sept autres Noirs nous montre la route. Huit autres tirailleurs sénégalais ferment la marche de ce défilé de misère qui se tire en longueur, généralement le matin, car beaucoup d’hommes étaient fatigués, malades, avaient de grandes difficultés à marcher ou n’avaient pas l’habitude de marcher. A l’étape, le médecin français leur dit avec froideur : « doit marcher, un peu », c’est à dire tant que ceux qui sont en bonne santé. Les chaussures de beaucoup d’entre eux sont indescriptibles. Certains portent de simples bottes de route, d’autres devaient marcher avec des bottes légères en toile anti-moustique, et, à côté de moi, un assesseur portait même des bottines vernies. L’eau potable n’est ni bouillie, ni filtrée car il n’y a pas de filtres. A la première étape les assoiffés burent de l’eau argileuse dans laquelle nageaient des larves de moustiques et des têtards. A chaque bivouac on abat un bouvillon qui vaut ici 30 à 40 Fr. et qui est cuit dans deux marmites véhiculées en avance à la prochaine étape par le « cuistot » noir. Les indigènes qui veulent nous vendre des poulets, des œufs ou des fruits sont chassés et souvent battus par les tirailleurs sénégalais.

L’ensemble du transport est dirigé par le capitaine français Gastin qui avait aussi participé à la bataille de Chra et à la conquête du Togo. Après trois marches de nuit qui mettaient en évidence la cruauté et l’inhumanité de toute cette opération, il me dit : « J’aurais préféré être tué à Chra au Togo plutôt que d’être chargé de cette misérable mission de vous conduire au Niger ». A notre demande insistante, par message télégraphique, il explicita une nouvelle fois à sa hiérarchie l’absurdité, l’inhumanité et l’impossibilité de cette tâche. Et le résultat ? Il est remplacé à Parakou. C’est le capitaine Bosch qui continue le travail de bourreau. « Vers le Niger, coûte que coûte » est de nouveau l’ordre de Dakar.

Pourquoi ce calvaire ? Pourquoi avoir choisi Gaya comme camp d’internement dont disait froidement le médecin français qu’il était connu dans toute la colonie française comme étant un endroit de dysenterie et de fièvre ? Nous avions beau nous creuser la tête, nous ne trouvions toujours que la seule réponse désolante à cette question incessante et lancinante : les Français veulent notre perte ! Ils ne veulent pas seulement nous montrer en spectacle, vaincus, à la population indigène, non, ils veulent aussi nous faire souffrir lentement, nous humilier et enfin nous laisser périr misérablement.

Nos médecins faisaient l’impossible avec le peu de médicaments et bandages qu’ils avaient pu amener du Togo afin de soulager les maux de la colonne en marche, les Français ne possédant pas de médicaments.

Le commandant Bosch prenait énergiquement ses fonctions en télégraphiant à la côte pour avoir des chaussures, et lorsqu’il y eu trop de malades, il faisait faire une étape plus longue à Kandi. Car lui aussi avait vu l’absurdité, pour ne pas dire la cruauté de la marche et avait dû en référé à Dakar dans ce but.

Nous étions arrivés à Kandi le 10 octobre. Ici, l’ordre fut enfin donné de sélectionner les 80 hommes les plus vaillants, mais tous officiers, et de les véhiculer sur les 300 kilomètres restant à parcourir jusqu’à Gaya. Dans notre situation le nom de Gaya résonnait comme un soulagement. Enfin nous allions pouvoir nous reposer.

le camp de Gaya, sur la rive gauche du Niger

Le 27 octobre, nous les 80 hommes, sommes arrivés à Gaya. Environ 22 huttes en paille avaient été érigées ici sur un lit de sable, le tout étant entouré d’une haie d’épines (voir illustration 29+37) - le camp du désert de Gaya ! Dans les huttes il y avait des jarres indigènes et rien d’autre ! Nos nattes qui avaient fait le chemin avec nous furent étalées sur le sol, et maintenant, selon les Français, tout a été fait pour assurer un hébergement humain aux prisonniers de guerre blancs d’Afrique, pour des mois, voire peut-être pour des années.

Le médecin français n’avait dit que trop vrai. Gaya était un centre de dysenterie de premier rang. L’eau que nous buvions nous était apportée dans des jarres par des prisonniers noirs enchaînés - dont la France, si hautement civilisée, aimerait volontiers nier l’existence en Afrique. L’eau était simplement puisée dans le Niger, il n’y avait pas de filtres dans le camp et on ne pouvait faire bouillir l’eau qu’avec grande difficulté. Pas étonnant qu’il y avait des moments où la moitié des internés étaient malades de dysenterie. Le peu de médicaments que les médecins allemands avaient pu emmener fut rapidement épuisé. Les petites quantités que nous avions obtenues des Français en insistant, ne suffisaient point. Les Français disaient qu’il n’y en avait pas d’avantage. La quinine qui nous était administrée était souvent inefficace car gâtée pendant le transport. Personne ne pouvait dire si le seul thermomètre disponible était juste. Aucun matériel de pansement n’existait. Il n’y avait pas d’hôpital ou d’équivalent. Les malades étaient couchés dans les huttes et les camarades les soignaient du mieux qu’ils pouvaient.

Les latrines - trois trous creusés dans le sable à l’intérieur du Kraal - étaient à 5 mètres à peine de la soit disant cuisine, un toit d’herbes sèches sous lequel se trouvaient les deux marmites nommées ci-dessus. Le repas pour tous, pour hommes sains ou malades, se composait régulièrement d’ignames et de bœuf d’une bête abattue tous les jours (prix 27 Fr.) qui était aussi distribué aux 80 tirailleurs sénégalais nous surveillant. Après maintes réclamations, l’administration nous fit parvenir du riz, quelques œufs et un peu de lait mais le tout en si petite quantité que seulement le quart des malades pouvait en avoir. Après environ deux mois suivant notre arrivée, il y avait enfin un petit changement dans notre alimentation ; depuis Dakar on faisait venir les rations réglementaires de sucre, de café, de condiments etc. Plus tard, on nous livrait aussi de la farine mais souvent vieille et malodorante et avec laquelle nous faisions du pain dans le four construit dans le camp par nos soins. Avant d’obtenir du café et du sucre nous avions fait, à base de citronnelle sauvage, une boisson pour couper la soif. Nous n’avons jamais eu de pommes de terre.
On mangeait toujours la même viande qui, malgré son prix bas, nous était toujours rationnée au gramme près. Literie, chaises, tables ou l’équivalent n’ont pas été mis à notre disposition. A partir de caisses que, suite à de nombreuses demandes, l’administration finissait par nous donner, nous fabriquions des outils que nous appelions table et chaise. Nous mettions nos nattes sur une grille de fines branches de bois trouvées à proximité du camp.

Le tabac que nous fumions provenait de fumier de cheval fermenté que nous devions acheter très cher aux indigènes. Nous leur achetions également du savon fabriqué à base d’huile et de cendre de charbon de bois. En gros, nous vivions comme les Nègres, sauf que nous ressentions le côté humiliant, déshonorant et sciemment blessant, de ce que l’on nous faisait subir.

Pendant de nombreux mois beaucoup d’entre nous n’avaient pas de moustiquaire, la plupart disposait seulement d’une seule couverture lui appartenant, puisque les Français n’en donnaient pas, alors que les nuits au Soudan peuvent devenir très froides. Nos pétitions incessantes et de plus en plus insistantes auprès de l’administration générale des colonies françaises à Dakar quant au mauvais état sanitaire du camp de Gaya étaient enfin couronnées de succès : un médecin français, le docteur Bonrepeaux était envoyé à Gaya pour vérifier le fondement de nos affirmations. L’impression extrêmement mauvaise qu’il gagnait l’amenait avec toute son autorité médicale à soutenir notre demande de dissoudre le camp et de le transférer vers un pays au climat européen. Ceci et les difficultés d’alimentation se faisant jour de manière de plus en plus aiguës - suite à la peste des bœufs sévissant au Soudan le bœuf de Gaya ne pouvait être fourni qu’avec difficultés - étaient la cause du transfert, du moins dans un premier temps, des malades à l’hôpital de Cotonou, sur la côte, comme nous l’avions souhaité.

C’est ainsi que je me retrouvais enfin avec deux camarades à l’hôpital, où mon état de dysenterie, devenu entre-temps chronique, s’améliora à défaut de guérir.
Le 25 mars nous avons remonté le Niger en canoë jusqu’à la fin de la route du Dahomey. Pour ce voyage qui allait durer 4 jours, on nous avait donné - pour deux malades de dysenterie et pour un de l’appendicite - six tubercules d’ignames, et rien d’autre ! Après un épuisant voyage en voiture, se révélant une vraie récréation en comparaison de notre marche forcée le long du Niger, nous arrivâmes à Cotonou dans la perspective réconfortante de bientôt pouvoir être transférés dans des conditions européennes.

Nous y retrouvions certains de nos camarades malades de Kandi - les employés prisonniers de Telefunken avaient été internés pour moitié à Gaya et pour moitié à Kandi. Ils avaient beaucoup souffert, là-bas, du traitement rigoureux infligé par les Français ; alors que de notre côté on nous avait laissé tranquilles. Les Français avaient probablement pensé que l’internement en milieu primitif à l’intérieur de l’Afrique dans un endroit si malsain, surveillé par les Nègres et vivants comme les Nègres, serait déjà une punition suffisante pour les Boches. Entre-temps le Cameroun avait été pris et les prisonniers capturés avaient été internés dans le palais royal abandonné de l’ancien tyran Behanzin à Abomey, mort depuis en exil français. Après la suppression du camp de Gaya et de Kandi et après l’acheminement de certains malades vers la côte, les officiers furent transférés à Whydah, les sous-officiers et la troupe, par contre, à Abomey là où étaient les prisonniers du Cameroun.

le camp d’Abomey, au Dahomey

Le camp d’Abomey était sans aucun doute l’un des plus affreux camps français qui aient jamais existé et ce que l’on racontait sur les mauvais traitements qui y furent infligés, suffit à faire rougir de honte et d’indignation tout Allemand. Le camp était sous le commandement d’un mulâtre ayant le rang de major, dont les aides étaient des créatures dont les méchancetés sadiques, vexations, bastonnades etc. dépassaient de loin tout ce qui s’est éventuellement passé comme incorrections à l’égard des prisonniers, dans l’ensemble des camps allemands.
J’étais embarqué sur le vapeur « Tibet » à Cotonou le 17 avril avec 12 autres malades en direction de Marseille. Le soir, devant Cotonou, nous regardions de l’autre côté vers Dahomey, là où des centaines de nos frères étaient encore soumis aux traitements cruels des coloniaux français. Au Dahomey, le pays de Behanzin, le pays africain de la cruauté par excellence qui n’avait rien à envier à notre moyen-âge. Behanzin était mort mais son esprit vivait toujours, et loin dans le nord à Abomey, où mes frères allemands dormaient dans le palais royal du tyran Behanzin que la diabolique fantaisie française avait transformé en camp de prisonniers coloniaux et où ils puisaient un peu de repos devant leurs tortionnaires du jour. Et leurs lèvres murmuraient doucement « Oh Afrique, Oh Golgotha ! » La patrie ne l’entendait pas.
Plus tard seulement, le gouvernement allemand menaçait de prendre des mesures de représailles dont il découlait que, certes, les camps d’Afrique de l’ouest, les endroits les plus nobles de l’humanité française ont été supprimés entièrement ; cependant, contrairement aux exigences du gouvernement allemand, nos compatriotes n’ont pas été transférés en Europe, mais les soldats de la troupe au Maroc et une partie des officiers avec leurs femmes à Alger.

Il a fallu une autre menace de représailles très énergique de la part de l’Allemagne afin que l’Afrique soit enfin complètement libérée de prisonniers allemands. Jusque-là, spécialement les prisonniers coloniaux dans le camp de Médiouna au Maroc, étaient assez mal traités, mal nourris et internés. La discipline qui y régnait était franco-africaine. L’installation des « tentes à chien », une tente basse dans laquelle les punis devaient se coucher le plus souvent sans couverture était une forme de châtiment qui ne peut pas, même superficiellement, être comparée à l’attachement à un poteau tel qu’il était pratiqué dans les camps allemands et que les journaux français vilipendaient tant. L’humanité est apparemment unilatérale.

camp français au Maroc - au centre deux « tentes à chiens »

Dès leur arrivée à Mediouna, ou Casablanca (Maroc), les prisonniers déjà très épuisés étaient soumis à d’autres représailles arbitraires ; ils ne recevaient plus de paquets ni d’argent pendant longtemps, et ce qui les touchaient au plus haut point, pas de courrier qui de toute manière n’arrivait qu’au compte-goutte en Afrique de l’ouest, grâce à l’influence de l’aimable père catholique Nee, censeur sévère de Cotonou dont nous avons pu ressentir la prévenance, l’« humanité » et la « charité chrétienne ». Pendant la marche à travers le Dahomey ce courageux envoyé de Dieu faisait office d’interprète officiel de notre « expédition ».

C’est aussi pendant l’époque d’emprisonnement colonial à Mediouna que l’accord des négociations concernant l’internement des prisonniers en Suisse était conclu. Sur la base de solides expertises médicales établies par ceux des médecins des maladies tropicales qui avaient été témoins de notre épopée d’Afrique de l’ouest et qui ont eu la chance d’avoir été auparavant échangés en tant que personnel sanitaire, l’administration coloniale du Reich exigeait du gouvernement français, que tous les prisonniers coloniaux pour raisons sanitaires ou à cause des humiliations subies, des vexations etc. soient rapatriés en Allemagne ou pour le moins transférés en Suisse. Peu d’entre nous avaient cette chance. Rien que dans le camp de l’Ile-Longue, nous les 65 prisonniers coloniaux, devions attendre jusqu’à la fin c’est-à-dire jusqu’à fin octobre 1919 et boire jusqu’à la lie la potion amère de l’incarcération.

Maroc - prisonniers allemands exhumant les ruines de Volubilis

Nous arrivions à Marseille, le 22 mai 1915, après un voyage en bateau qui durait 5 semaines et qui était un vrai repos. La vie à bord était, en fonction des conditions, relativement agréable, loin des ordres, des règlements, loin des supérieurs et des coloniaux français revanchards et de mauvaise volonté. Nous étions quelques malades qui attachaient beaucoup d’importance à être laissés en paix et qui ne voulaient pas sciemment enfreindre le règlement. Notre rapatriement était commandé par un lieutenant d’infanterie coloniale également malade et retournant au pays, nommé Meyer. Il nous mettait au courant du règlement à suivre pendant le voyage en bateau, comme nous l’avions prié de le faire, et nous faisait part aussi des 3 niveaux de punitions appliqués si nous devions désobéir à ses consignes qui étaient d’ailleurs faciles à respecter.

1. Privation d’un ou de plusieurs repas,
2. incarcération jusqu’à 9 jours,
3. punitions corporelles.

L’Afrique coloniale française nous poursuivait donc, nous les malades, jusqu’à bord du bateau.

A l’arrivée à Marseille un vieux médecin militaire venait à bord pour nous demander ce que nous avions comme maladie. Il posait son stéthoscope sur notre veston, avant de déclarer « c’est bon » et de disparaître.

Le soir un véhicule (connu des Berlinois sous le nom de « Grüner August ») venait nous chercher pour nous conduire à travers Marseille et sur une colline. Quand le véhicule s’arrêtait après un long trajet, nous pensions, nous les malheureux, que nous arrivions à l’hôpital, mais - des clés tintaient et les gonds grinçaient - la prison militaire du Fort Saint-Nicolas nous accueillait. Nous y devions passer 16 nuits sans que personne ne s’occupe une seule fois de nos maladies. Le 8 juin 10 de nos camarades étaient transférés par un petit vapeur au mal famé « ponton » comme l’appelaient les soldats. Officiellement appelé « ponton-prison », c’était une vieille coque flottante qui avait servi dans le temps de bureau ou entrepôt à une compagnie maritime et sur lequel vivaient maintenant plus de 2000 soldats allemands obligés de travailler dans le port ou d’attendre leur transfert vers l’Afrique. Nous étions tentés de penser qu’on voulait également nous renvoyer en Afrique, afin de nous « soigner » pour de bon, d’autant plus qu’il y avait beaucoup de blessés sur ce ponton qui auraient dû être envoyés pour être « soignés » dans « l’air doux d’Afrique ». Le ponton était le symbole d’un camp de prisonniers français en ce qui concernait les conditions d’internement, de nourriture et d’hygiène, et aujourd’hui, cela me révolte encore lorsque je pense à la prison-ponton avec ses couchages insuffisants où les soldats sales et épuisés par le travail du port devaient se coucher comme des sardines en boite sur la paille hachée et pourrie, lorsque je pense comment ces pauvres hommes essayaient de se laver provisoirement dans leurs gamelles ou lorsque je pense aux latrines dégoutantes de ces galères flottantes que l’on pouvait comparer avec celles du Moyen-âge. Dès lors je n’avais plus à m’étonner sur l’Afrique que nous haïssions tous. Une profonde léthargie s’installa en nous qui avions tant espéré retrouver un peu d’Europe. Mais, normalement, la France européenne n’aurait pas dû nous décevoir !

Après un séjour de 8 jours à la prison-ponton, notre sort fut décidé et le 16 juin nous sommes partis pour Uzès, département du Gard (dans le sud de la France) pour être cantonnés à la caserne du 10ème régiment d’infanterie transformée en prison. Dans ce camp, qui pour des raisons bien précises s’appelait « camp spécial » on avait rassemblé tous ceux de nos compatriotes qui avaient été arrêtés en Méditerranée lors de leurs tentatives de rejoindre la patrie, en partant d’Espagne via l’Italie qui n’était alors pas encore en guerre en plus ; il y avait des Grecs, des Turcs, des Autrichiens, des Hongrois etc… La majorité des internés étaient des civils que les Français, malgré toutes les protestations, comptaient, parmi des prisonniers de guerre, car, suivant les arguments des Français, ceux-ci avaient eu l’intention de rejoindre leur patrie pour combattre.

Alors que nos conditions de détention à Uzès s’avéraient au début supportables, cela changeait tout à coup 2 mois après, avec la venue d’un inspecteur qui trouvait l’organisation du camp imparfaite. Le commandant en place était remplacé par un capitaine énergique nommé Dailleux et, à partir de ce moment, nous avons été toute la journée sous pression ; on nous inondait de règlements, d’appels, de punitions. La vie devenait insupportable surtout, le plus souvent, pour les vieillards malades qui malgré leurs 60 ans et plus, étaient plus maltraités que les recrues. Les cheveux devaient être rasés à 1 mm – nota bene : ce règlement était ordonné le jour même où nous avions lu dans le journal la déclaration faite par Bethmann Hollweg au Reichstag :

« Gare à ceux qui font le moindre mal aux allemands à l’étranger ». De larges bandes rouges de 5 cm ont été appliquées sur nos pantalons et manches, et sur nos cols, à droite et à gauche, les lettres P.G. (prisonnier de guerre) ont dû être cousues, et le jour de Noël 1915 nous avons reçu une casquette, que les sous-officiers français nous ont données avec la remarque ironique : »Voici, votre cadeau de Noël".
Dans les pièces qui étaient toutes surpeuplées, il régnait un ordre militaire et il nous a fallu plusieurs semaines jusqu’à ce que nous réussissions à faire le célèbre « paquetage », décrit par Erwin Rosen dans son livre « Dans la Légion française » ; il s’agit d’un rangement ordonné de nos affaires sur des planches fixées au mur des pièces. Tous les samedis le capitaine suivi de ses officiers et sous-officiers faisait le tour des pièces et le « cachot », les cellules d’arrêt, se remplissaient. Le « mulâtre » ou la « crapule » comme nous appelions le commandant, punissait arbitrairement suivant son plaisir et réfléchissait pendant des jours comment pouvoir nous vexer avec de nouvelles règles, mesures et prescriptions.

Cette « organisation » permanente rendait la vie dans le camp d’Uzès une torture insupportable et nous faisions tout pour obtenir une amélioration de nos conditions de détention ou au moins un traitement plus conforme à la raison. Nous avons aussi fait appel à la patrie et avons enfin obtenu qu’un représentant de la puissance protectrice, à cette époque l’Amérique du Nord, vienne à Uzès. Nous lui avons fait part de tous nos malheurs en présence du « mulâtre » et demandé le même traitement que celui de nos camarades à l’Ile-Longue.

Vue générale du camp de l’Ile Longue

A cet endroit, il y avait également un « camp spécial » où était internée la même catégorie de prisonniers qu’à Uzès donc essentiellement des réservistes qui avaient voulu rejoindre la patrie – la plupart d’entre eux venant d’Amérique avec un transport de 750 hommes sur le « Nieuw-Amsterdam » de la ligne Hollande-Amérique – et d’autres qui avaient été fait prisonniers en Atlantique ou dans des ports français. D’après ce que nous avions entendu dire, le traitement à l’Ile-Longue était bon et l’on y avait la possibilité de faire du sport et des jeux. Certes, l’hébergement dans les baraques était plus mauvais que dans un bâtiment en pierres, cependant il nous importait au plus haut point d’échapper à l’énervante monotonie de la caserne et à la cour d’Uzès, largement insuffisante pour la grande quantité de prisonniers.

Ile Longue - prisonniers jouant au « Schlagballspiel »

Sous la pression du gouvernement allemand et grâce au rapport des Américains, le gouvernement français fusionnait Uzès et l’Ile-Longue et le 4 juillet le premier transport dont je faisais partie amenait 150 hommes à l’Ile-Longue. Ce transport avait le but suivant : on attendait encore une fois une commission suisse à Uzès afin de sectionner les malades du camp pour l’internement en Suisse. Pendant la première visite d’une telle commission, notre commandant se planta derrière les médecins suisses qui examinaient les malades et leur désigna par l’intermédiaire de son interprète et médecin ceux qui seraient « dignes » pour l’internement suisse et arrivait ainsi à n’envoyer qu’un nombre ridiculement réduit de malades en Suisse. Naturellement nous avions énergiquement protesté contre cette démarche despotique du commandant et parvenions, si je ne me trompe pas, sur l’ordre du gouvernement allemand, à faire contrôler le camp d’Uzès encore une fois. Alors le gouvernement français procédait à une petite « tricherie » qui réussissait pleinement et qui illustrait de façon « lumineuse » la correction du gouvernement français.

La question de la suppression du camp et notre transfert à l’Ile-Longue était en cours. Il a été décidé de mettre en place le premier transport le plus vite possible et de sélectionner pour celui-ci tous ceux qui étaient malades - notoirement malades, ceux qui seraient éventuellement malades et puis tous ceux qui avaient de l’importance dans le camp ainsi que ceux qui passaient pour être les « meneurs ». Le transfert a eu lieu le 4 juillet et, - trop clairement – c’était le 5 juillet qu’ont eu lieu les examens pour l’internement en Suisse. Mais il n’y avait plus de malades dans le camp et le médecin examinant dut se faire violence pour en trouver quelque- uns à faire transférer en Suisse. Ces quelques hommes ont été ensuite présentés devant la Commission de Contrôle pour l’internement en Suisse à Lyon, ils ont été estimés être en bonne santé dans leur majorité et envoyés à l’Ile-Longue. C’est seulement ici que nous avons appris comment le gouvernement français avait opéré ce « tricherie ».

Quand l’examen pour l’internement en Suisse était terminé, on avait du temps, et c’est seulement un mois après qu’a eu lieu le transfert des derniers hommes restant du camp d’Uzès pour l’Ile-Longue.
Bientôt après, une autre étape importante pour l’amélioration de nos conditions de vie allait être réalisée. L’administration militaire nous remettait à l’administration civile. Dès août 1917 nous étions sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, c’est à dire, le préfet de Quimper, ou le sous-préfet de Brest (département du Finistère), en Bretagne. (Ndlr : l’auteur se trompe. Le passage au Ministère de l’Intérieur s’est fait le 16 août 1916)
Le camp de l’Ile-Longue a eu un directeur civil, les sous-officiers étaient remplacés par de soi-disant « surveillants » et seulement pour la garde du camp des soldats français restaient en place.
Chaque aménagement dans le camp qui était, d’une façon ou d’une autre, un avantage pour notre bien-être physique ou moral, et même s’il s’agissait seulement de notre consommation journalière d’eau - une affaire de peu d’importance dans la vie privée française - devait être obtenu dans un combat lent et tenace contre l’administration française qui ne s’intéressait pas le moins du monde à notre fraîcheur mentale ou corporelle, comme je pourrais le démontrer par des douzaines d’exemples. Occasionnellement, nous avons même mis en application le moyen de combat de masse le plus moderne, la grève. C’était le cas pour l’obtention de la ration de pain quotidienne de 400 gr dont nous étions privés depuis plusieurs mois par décision administrative, la sous-préfecture « parcimonieuse » l’ayant modifiée en 350 g.

Entrée du camp de l’Ile Longue, au fond, Roscanvel

A l’aide de concerts, des soirées sympas, des soirées de dialectes, des fêtes de sport, des activités artisanales de menuiserie, cordonnerie, ébénisterie, plomberie, l’aménagement d’une cuisine pour la distribution de café et de soupe, du soutien du théâtre qui atteignait son point culminant avec la pièce « Versunkene Glocke » de Hauptmann, de la création d’une possibilité de soutenir les artistes du camp, de la mise en place de petits jardins à légumes, de l’installation d’une petite fabrique pour la production de sabots etc. – à l’aide de toutes ces choses que nous devions au travail infatigable et exemplaire du « Comité de Secours Allemand » qui était constitué de prisonniers du camp, la puissante psychose des barbelés a pu être atténuée et on donnait à l’interné qui le désirait la possibilité de se maintenir en forme, physiquement et moralement.
Mais toutes ces belles choses qui peuvent jamais exister derrière les barbelés ne pèsent rien en comparaison du plus haut bien que les hommes possèdent et pour lequel la nation auprès de laquelle nous devions passer 5 ans d’une hospitalité non souhaitée, prétendait se battre, en faisant grand bruit, avec des mots faciles et des phrases françaises : la liberté.

Enfin conclu, le Traité de Berne d’avril 1918, prévoyait le rapatriement prochain de tous les internés civils. L’exécution des modalités du traité, par contre, était tellement retardée par le côté français que, tandis que, après des mois d’attente, quand nous étions prêts à partir pour la patrie valises en main - c’était le 11 novembre 1918 - à 11 heures que l’on a reçu l’ordre : « retournez au camp ! » L’armistice venait juste d’être conclu !… Cela voulait dire pour nous de revenir dans la misère triste et incertaine ; cela voulait dire presque succomber au désespoir !

Ile Longue - alignement de baraques, au premier plan un potager de prisonniers

Et maintenant, il restait encore une année de plus que j’appellerais un internement condensé. S’en suivaient les évènements dans la patrie et la perte des espoirs, des concepts, des idées…des mondes. Nous aussi sur notre île nous avions à souffrir toutes les douleurs ressenties par nos compatriotes, mais, comme tout dans notre vie derrière les barbelés, elles nous atteignaient plus dans notre âme, et des impressions de ce type comptent doubles.
Les palabres humanitaires français avaient permis de nous garder en France encore presque une année entière après la signature de l’armistice, en tant que prisonniers civils. Quand, juste avant le 20 octobre 1919, le vrai jour de notre départ pour la patrie, nous avons reçu le message de notre transport proche, personne ne voulait y croire, car les promesses et paroles françaises avaient perdu toute crédibilité pour nous.

Notre train se mis enfin en route vers la patrie, et après un voyage de plusieurs jours à travers la France en passant par Strasbourg, Mayence, nous rentrions pour la première fois en contact avec l’affreuse et dure réalité, notre patrie tant aimée que la majorité d’entre nous avaient quittée fièrement avant la guerre, afin d’honorer à nouveau le nom de l’Allemagne à l’étranger.

Mais malgré tout nous étions à nouveau des Allemands, sur le sol allemand… Pour l’être plus qu’auparavant car la patrie avait besoin de chaque homme. Et si cette simple réflexion est devenue une conviction née dans de longues heures de solitude en captivité, alors tout ceci n’était pas totalement vain.

Camp de Gaya - hutte pour 4 hommes

source : « Telefunken Zeitung » Nr 19 - Februar 1920

Lien vers une carte du Bénin pour suivre le trajet des prisonniers.