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Le camp d’internés 1914-1919
Le camp d’internés 1914-1919

Dieser Internet-Auftritt verfolgt das Ziel, möglichst viele Informationen über das Internierungslager auf der Ile Longue zusammenzustellen, damit Historiker und Nachkommen der Internierten sich ein Bild von den Realitäten dieses bisher wenig bekannten Lagers machen können - nicht zuletzt auch, um die bedeutenden kulturellen Leistungen der Lagerinsassen zu würdigen.

Le but de ce site est de prendre contact avec les familles des prisonniers allemands, autrichiens, hongrois, ottomans, alsaciens-lorrains... qui ont été internés, pendant la Première Guerre mondiale, dans le camp de l’Ile Longue (Finistère).

Ernst Hensler - prisonnier de guerre sur l’Île Longue
Article mis en ligne le 18 novembre 2015
dernière modification le 10 janvier 2016

par Sabine

Traduit par Peter Wierer

Préface de Sabine Herrle

Je suis tombée sur le sort du simple soldat Ernst Hensler lorsque je me suis mise à la recherche des traces du camp de l’Ile Longue aux archives des carnets personnels à Emmendingen (près de Freiburg). C’est là que j’ai découvert les souvenirs de Ernst Hensler, notés en 1970 par son fils Anton (né en 1935) peu avant la mort de son père en 1971. Les souvenirs ont été publiés par Anton et Annelis Hensler en juin 1996 sous forme d’édition « à compte d’auteur ». Dans la préface, ils formulent le vœu « que dans notre société de gaspillage, ces documents soient pris en considération plus longtemps. »

J’ai pu examiner les lettres publiées dans ce livret aux archives nationales militaires de Freiburg ainsi qu’un bloc-notes de Ernst Hensler sous forme d’original qui date de 1919. Un entretien avec ses fils Anton et Fridolin, le 29 juillet 2015, a provoqué chez moi une attention particulière à la vie de Ernst Hensler. Mon impression, lors de ma lecture aux archives d’Emmendingen de Ernst Hensler étant un homme sensible, plein d’humour, sachant très bien observer et s’intéressant à beaucoup de choses, s’est alors accentuée.

Mes chaleureux remerciements à Fridolin et surtout à Anton Hensler.

De 1914 à 1919 – le temps du carnet personnel

Fils d’un paysan, Ernst Hensler est né en 1894 à Biesendorf (qui de nos jours fait partie de la commune d’Engen) dans le département de Konstanz. De 1900 à 1908, il y fréquente l’école primaire avant de travailler à la ferme de ses parents. Il est aux champs lorsque sa mère lui apporte l’appel sous les drapeaux - il dit qu’il part « directement des champs à la guerre » [1]

Il intègre le „Badisches Feldregiment 170“ à Offenburg. Celui-ci part à la bataille le 29 décembre 1914 - ses parents viennent à Karlsruhe pour dire au revoir à leur fils. Le 28 décembre, les trois se présentent dans un atelier photos et font faire des photos. [2]

Ernst Hensler
avec ses parents sur 28/12/1914
mit seinen Eltern am 28.12.1914
with his parents on 12/28/1914

Le régiment de Hensler entre en guerre au front ouest ; bientôt, il perdra des camarades et sera blessé à son tour (traversée d’un projectile à l’avant-bras gauche).
Le 10 juin 1915, il est capturé près de Hébuterne. Il est alors blessé une seconde fois - cette fois, il s’agit d’une griffure par une balle au niveau de la tête, la blessure saignant fortement.

Dans ses souvenirs, Ernst Hensler nous fait part de son emprisonnement : Lui et ses camarades (ils sont six, dont un qui n’est pas blessé ainsi qu’un mourant) se rendent en disant : « Kamarad malad ». D’abord plutôt antipathiques, les soldats français leur donnent plus tard à boire du vin rouge. « C’étaient déjà des soldats plus âgés, ils avaient la trentaine. Je donnais à l’un d’entre eux le dictionnaire que j’avais sur moi. Il feuilletait et indiquait le mot « paix » (Frieden). Sinon, nous ne pouvions pas nous faire comprendre. » [3] On le fouille mais on ne trouve ni son carnet personnel ni sa montre [4].

C’est à l’aide d’une voiture (Hensler : „C‘était mon premier voyage en voiture, elle n’avait rien de luxurieux » [5] ) qu’on transporte les blessés à Amiens où ils sont accueillis dans le bâtiment d’un théâtre ; Hensler est alors vacciné contre le tétanos. Ensuite, il est transporté à Brest par le train en passant par Le Mans, Anger et Nantes. A Brest, il passe quelques jours à l’ « hôpital de l’amiral maritime », puis, le 22 juin 1915, il arrive à Ile Longue [6], en bateau à vapeur cette fois. Hormis lui et d’autres soldats blessés, il y a aussi « quelques civils capturés et Américains du Sud sur ce bateau [7]. Hensler est d’abord logé dans le bâtiment n°52, puis, le 29 septembre, dans le bâtiment n°53 [8].

D’après Hensler, ravitaillement et traitement sont corrects. Il obtient des lettres et paquets. Le 2 septembre « importante tentative de fuite, suivie d’un traitement plus sévère » [9]. Il souligne que, n’étant pas encore en état, on ne l’oblige pas à travailler : »Il y avait chaque mois un examen médical afin d’estimer la capacité de travail. Les personnes aptes à travailler étaient alors tout de suite envoyées dans un camp de travail. Ainsi, en novembre, 500 hommes étaient envoyés à Rouen. Comme notre chef de section indiquait à chaque fois que, suite à la balle que j’avais reçue dans la tête, je n’étais toujours pas normal (je me donnais alors un air un peu stupide), on ne m’obligeait pas à partir [10]. Pour lui, Ile Longue est un camp de « convalescence » et de « rétablissement » [11].

Ses fils Anton et Fridolin se souviennent que leur père leur avait raconté que quelques détenus avaient réussi à s’occuper d’un porcelet. Au début, ç’aurait été assez marrant, mais, lorsque l’animal était devenu un véritable sanglier, l’affaire était devenu stressante.

Les soldats prisonniers entrent en contact avec les détenus civils. « Les civils avec lesquels nous pouvions entrer en contact avaient certaines libertés et parfois aussi de l’argent. Ils nous faisaient parvenir certaines choses, organisaient des jeux ainsi que des représentations de théâtre et nous fournissaient en livres. Je prenais des cours de sténographie et d’écriture. Je commençais à apprendre le français avec un maître, M. Giegrich » [12]. C’est nouveau pour cette période. Jusqu’alors, nous partions du principe que ce genre d’activités au camp ne commençait à jouer un rôle qu’à partir de fin 1916/début 1917.

Anton, le fils de Hensler se souvient que son père, dans ce contexte, avait toujours parlé « de quelque chose d’extraordinaire ». Il raconte aussi que son père avait appris dans le camp à « extraire des racines » ainsi qu’à « multiplier au carré ». En plus, son père avait parlé de sa participation à des « cercles de lecture » et de son utilisation de la bibliothèque. C’est ainsi que Ernst Hensler avait pu élargir et approfondir considérablement ses connaissances en littérature. « N’as-tu pas lu cela à l’école ? » demandera-t-il durant toute sa vie à ses interlocuteurs lorsqu’on comprend lors d’un entretien qu’il est mieux informé que son adversaire. Son école à lui, c’était Ile Longue.
Il passe Noël 1915 à Ile Longue. On trouve des traces aussi bien dans son carnet personnel que dans ses mémoires. Une lettre écrite à sa famille contient les traces les plus directes : « … L’habituelle neige de Noël n’est pas tombée bien sûr, mais nous avions tout de même un sapin de Noël. La différence par rapport au sapin habituel de chez vous était la suivante : Premièrement, il s’agissait d’un bout de bois desséché avec des branches rajoutées et deuxièmement, ce n’était pas un sapin mais une espèce de broussaille dénommée ajonc, une espèce non-connue chez vous. Comme celui-ci était en fleur à cette époque de l’année, nous avions un sapin de Noël en fleurs.- Comme à Noël, nos pensées étaient également avec vous au moment du Nouvel Ans … [13].

A partir de fin janvier 1916, Hensler doit travailler. D’abord au camp, puis, le 14 février 1916, il doit quitter Ile Longue « sur un bateau avec tous ceux qui sont à peu près en état de marcher et qui emportent tout leur équipement avec eux [14]. Il va rester en Bretagne jusqu’au début 1919.

Ses prochaines stations sont Brest (dépôt de la Pointe qu’il appelle le « nid des rats ») ; Hensler doit charger et décharger des bateaux. A partir du mois de mars, on se sert de sa main d’œuvre pour la construction d’une ligne de chemin de fer qui mène à la fabrique de poudre à Keroriou. Hensler observe qu’ « une quantité importante des femmes qui travaillaient dans la fabrique de poudre avaient des cheveux de couleur jaune-soufre et verte. » [15] Après, il postule sa candidature pour travailler dans les champs. Il est alors envoyé chez des paysans près de Carhaix et Guézec (de mai à décembre 1916).

En 1917, il accomplit de différents travaux près de Pluigneau, entre autres chez monsieur Jaouen, le « roi des chiens » (ce nom se réfère à sa meute de 14 chiens de chasse). Jaouen est propriétaire d’un commerce du vin ainsi que du petit château de Kermorvan et il a loué 28 fermes. Il apprécie les mains d’œuvres de bonne qualité - Hensler se souvient avec un clin d’œil : « le roi des chiens m’a choisi parce que je commençais à avoir des connaissances de la langue française […] comme nous avions découvert que le roi des chiens venait contrôler ses ouvriers que deux fois par jour - sinon, il partait souvent à la chasse – et qu’il s’agitait quand les gens faisaient mal leur travail, surtout les détenus, nous nous tenions toujours très correctement (un co-prisonnier de Hambourg et moi) quand il venait nous voir. Le reste du temps, nous le passions plus à notre aise… » [16]

Plus tard, il doit venir en aide dans le commerce du vin de monsieur Jaouen. Hensler parle beaucoup du très sympathique et généreux maître de chai à ses enfants : « Le jour de l’armistice, le 11.11.1918, nous avons trinqué avec lui en signe de fraternité. » [17]

Entre le mois de décembre 1918 et le mois de février 1919, Hensler se trouve à l’hôpital de Brest, il est alors atteint de la grippe espagnole. Ensuite, il est détaché à Frémonville pour des travaux de reconstruction. - en octobre 1919, il réussit à s’échapper et à regagner l’Allemagne (en passant par l’Alsace et le Palatinat).

Après la guerre

Après la Grande Guerre, Hensler est nommé secrétaire dans la commune où il habite - éventuellement a-t-il pu profiter de ses connaissances de sténographie acquises à Ile Longue. Il perd ce poste en 1934 comme il n’est pas membre du parti nazi NSDAP et refuse d’y adhérer. Pour cette même raison et comme il parle leur langue, les Français décident en 1945 de faire de lui le maire de la commune de Biesendorf. En septembre 1946, il est élu maire par les habitants de la commune. Il le restera jusqu’en 1969.

Sources :

  • Anton et Annelis Hensler, Sur le front de la Première Guerre Mondiale et en captivité. Carnet personnel et lettres de Ernst Hensler de Engen-Biesendorf, édition « à compte d’auteur » Freiburg, citation sous forme de « carnet personnel »
  • Notes manuscrites de Ernst Hensler (1919 ?), archives nationaux militaires Freiburg, MSg 2/4100, sans comptage des pages, citation sous forme de « notes manuscrites »
  • Lettres de Ernst Hensler d’Ile Longue (du 4.11.1915, 04.01.1916, 20.01.1916) archives nationaux militaires Freiburg, MSg 2/4101
  • Entretien avec Anton et Fridolin Hensler, le 29 juillet à Freiburg